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Entreprises, commentréduire l’impactenvironnemental devos biens matériels ?

Alors que 80% de l’empreinte d’un équipement sont attribués à sa fabrication, prolonger sa durée de vie constitue un enjeu majeur pour en réduire son impact sur l’environnement. Marché d’occasion pour les professionnels, réparation ou recyclage de pièces, achats socialement responsables… quels sont les leviers les plus efficaces pour réduire l’impact de ses équipements et biens matériels en entreprise ? Réponses avec Florent Curel, responsable du Club de la Durabilité chez Hop (Halte à l’Obsolescence Programmée).

Dix-huit mois pour un smartphone, trois ans pour un PC[1], environ dix ans pour du mobilier de bureau… En entreprise, tout comme chez les particuliers, la durée d’utilisation moyenne des équipements est bien inférieure à leurs capacités. Comment expliquer un usage aussi réduit ? Pourquoi les entreprises sont-elles amenées à remplacer prématurément leurs équipements ?

[1] Livre blanc RSE 2023 du numérique responsable, Codéo

Trois types d’obsolescence : technique, esthétique, logicielle

« L’obsolescence des équipements n’est pas uniquement liée à des facteurs techniques, explique Florent Curel. Certes, l’obsolescence technique, qu’on appelle aussi fonctionnelle ou structurelle, est très répandue. Elle fait d’ailleurs l’objet d’un combat éthique et réglementaire en France et au sein de l’Union européenne. Souvent mise en cause en cas de panne, elle est généralement due à une durée de vie « techniquement » limitée. Elle survient par exemple lorsqu’un composant est défaillant et lorsque la pièce de rechange est soit indisponible, soit délibérément (cela arrive !) trop chère, soit disponible dans des délais beaucoup trop élevés. Résultat : cela dissuade l’entreprise de le réparer ».

Mais on est aussi confronté à deux autres types d’usures : celle qui est liée aux effets de mode et de marketing, à la sortie d’un équipement plus puissant, plus performant, plus avancé – on parle alors d’obsolescence esthétique, ou encore culturelle et psychologique- ; et celle liée à un dysfonctionnement ou une incompatibilité de format ou de mise à jour de logiciels. On parle d’ailleurs d’obsolescence logicielle, qui vient ralentir ou réduire la performance de l’équipement d’origine. « Ces trois catégories sont bel et bien en cause dans la réduction du temps d’usage d’un produit, tant chez les particuliers que les entreprises. Et si le mouvement anti-obsolescence est bien engagé côté particulier, on constate aussi un intérêt croissant côté professionnel. En tant qu’acteur économique, social et environnemental, les entreprises peuvent en effet, elles aussi, s’engager pour augmenter la durée d’utilisation des produits et des équipements en leur possession».

Un attrait grandissant pour le numérique reconditionné

Mais comment s’y prendre concrètement ? Et par où commencer ? « De nombreuses solutions existent déjà, témoigne Florent Curel. Entre les équipements numériques, le petit électro-ménager du quotidien et le mobilier de bureau, les entreprises engagées dans une démarche de réduction de leur impact environnemental peuvent agir à plusieurs niveaux.  Elles peuvent acheter du neuf durable, c’est-à-dire éco-conçu et répondant à des critères sociaux et environnementaux rigoureux avec par exemple un bon indice de réparabilité – qui sera en 2024 remplacé par un indice de durabilité.

Elles peuvent aussi allonger l’usage des produits en adoptant le réflexe de la réparation plutôt que du renouvellement systématique en cas de panne. Enfin, elles peuvent s’équiper en matériel reconditionné pour offrir une seconde vie aux équipements, mais aussi donner ou vendre les équipements dont elles souhaitent se séparer à des reconditionneurs ou des acteurs de l’ESS. Une démarche  qui a également le mérite de générer un revenu supplémentaire ou de renforcer leur engagement RSE.

On observe notamment un attrait croissant des entreprises pour l’achat de matériel numérique issu du réemploi. « 19% des entreprises interrogées qui utilisent déjà des produits numériques reconditionnés y consacrent désormais plus de 50% de leur budget”, souligne le Baromètre 2023 Keeep-Sirmiett-INR-HOP[2]. Et 34 % des professionnels interrogés n’ayant pas encore investi dans ce type d’équipements déclarent vouloir le faire dans les 12 prochains mois.

[2] Enquête Keeep 2023 : Les produits digitaux reconditionnés dans les organisations professionnelles

Économie circulaire : un mouvement européen

« Quelques freins sont encore à lever, notamment le choix trop restreint des produits (un problème pour 65% des répondants) ou encore des craintes sur leur fiabilité (près de 60% des répondants se disent inquiets), mais c’est clair que ce créneau est très porteur », s’enthousiasme Florent Curel. En quelques années, les fournisseurs se sont organisés pour proposer une offre fiable et performante au niveau européen.

La coalition Right to Repair Europe, qui représente plus de 100 organisations de 21 pays différents, agit pour rendre la réparation abordable, accessible et commune, un objectif aligné avec les objectifs du European Green Deal et du Circular Economy Action Plan. « En France, le mouvement est notamment conduit par HOP et de nombreux acteurs  : syndicats professionnels du reconditionnement (SIRRMIET, Rcube), associations (Zero Waste, Amis de la Terre…), mais aussi des entreprises engagées par exemple au sein du Club de la Durabilité animé par HOP, rapporte Florent Curel ». Bref, le mouvement s’organise, et il est soutenu par la réglementation.

Plusieurs processus législatifs majeurs sont en cours au niveau européen. On peut citer l’initiative “faire des produits durables la norme” (Ecodesign for Sustainable Products Regulation, dit ESPR) qui vise à renforcer et étendre les normes d’éco-conception existantes à tous les produits (sauf produits alimentaires et médicaux). Ce règlement prévoit notamment l’introduction d’un nouveau “passeport numérique de produit” regroupant des informations sur la durabilité, la réparabilité, la disponibilité des pièces détachées ou encore la recyclabilité et la consommation d’énergie ; et des exigences en matière de durabilité, d’évolutivité et de réparabilité des produits avec des seuils minimum à respecter pour accéder au marché européen. « Mais un texte très important contre le gaspillage a aussi été voté en France, en 2020 : c’est la loi AGEC (anti-gaspillage pour une économie circulaire).

Elle intègre, dans la notion de durabilité, des indices de réparabilité – en vigueur depuis 2021 – et de durabilité à partir de 2024, qui instaurent une concurrence saine entre fabricants pour améliorer la conception des produits. « L’indice de réparabilité est une première en Europe, témoigne Florent Curel. C’est sans doute le dispositif le plus ambitieux à l’heure actuelle sur le continent qui inspire les autres acteurs : la Belgique et l’Espagne, ainsi que l’Union Européenne, prévoient d’ailleurs de le mettre en place rapidement ».

Le numérique neuf, responsable et durable – Quelques initiatives à l’échelle française et européenne

Fairphone : garantie étendue, soutien logiciel, mises à jour régulières de sécurité et maintenance, disponibilité garantie des pièces détachées… ce fabricant néerlandais de smartphones contribue à rendre l’industrie de l’électronique plus juste et plus durable en proposant aux entreprises des produits éco-conçus, garantis et performants.

Why’open computing : cet assembleur suisse lutte contre l’obsolescence programmée et la raréfaction des ressources en proposant des ordinateurs facilement démontables, réparables et plus durables ! Ils diffusent aussi des guides de réparation en français et en allemand, sur la principale plateforme dédiée aux réparations www.ifixit.com.

Le reconditionné pour les pros 

 Back Market Pro : la place de marché dédiée aux produits reconditionnés a conçu une offre dédiée pour les professionnels !

Keeep : cette plateforme française de distribution d’équipements numériques reconditionnés, avec garantie et SAV, répond aux exigences des entreprises et acteurs publics concernés par les enjeux écologiques du numérique.

Atoutek, société française de reconditionnement informatique, gère la fin de cycle des actifs informatiques des entreprises en leur proposant des solutions complètes, de la collecte sur site jusqu’au reconditionnement et au réemploi du matériel, conformément aux obligations de recyclage en vigueur.

La gestion de parc informatique en location

Rzilient propose de réduire par deux le budget IT de leurs clients et de gérer leur parc informatique à leur place pour gagner du temps, de l’efficacité et de la flexibilité en parallèle d’une amélioration de l’empreinte carbone.

Commown : cette « coopérative de l’électronique sobre et engagé », sélectionne des appareils plus réparables et plus durables et les commercialise sur un modèle de location avec services (maintenance, réparation…) sans option d’achat mais avec un tarif dégressif pour inciter à garder le plus longtemps les équipements.

Le saviez-vous ?

Le marché du numérique reconditionné concerne aussi bien les smartphones, que les tablettes , les téléphones fixes, les ordinateurs fixes et portables, les imprimantes, les écrans, les scanners, les casques, les routeurs et même les code-barres caisse ou les terminaux de paiement.

Équiper ses bureaux avec du mobilier durable ou reconditionné

Côté équipement de bureau, les offres de réemploi à destination des professionnels se sont aussi développées, contribuant à la création d’une nouvelle filière de mobilier durable. Avec 250 000 tonnes de mobilier professionnel vendues chaque année, et 100 000 à 200 000 tonnes[3] qui terminent leur vie prématurément dans les déchèteries, la marge de manœuvre en faveur d’un mobilier reconditionné est réelle. La pertinence et la fiabilité de l’offre reposent sur la garantie que le mobilier proposé est inspecté et remis en état par les acteurs du secteur. Il existe également des offres de location de bureaux, pour contrer les freins à l’achat.

Mobilier de bureau et petit électroménager

Adopte un bureau est un acteur de l’économie circulaire spécialisé dans la distribution de mobilier de bureau sélectionné pour sa durabilité : vente avec rachat garanti, location, leasing responsable, rachat de mobilier reconditionné… Plusieurs solutions de financement facilitent l’adaptation au besoin du client tout en garantissant l’allongement de la durée de vie des équipements.

Fairspace, Bureau futé, Allée du bureau, en France, Mercaoficina en Espagne ou encore Cadeiras Pro au Portugal, proposent également des équipements de bureau durables d’occasion et des solutions d’aménagement pour les entreprises.

Pour la location, Adopte un bureau, Burocase ou BuroRent.

Le réseau Envie collecte et rénove des équipements usagés pour les revendre en magasins Envie entre 30% et 60% moins cher que des appareils équivalents neufs.

[3] Valdelia, écorganisme de réemploi, réutilisation recyclage de mobilier de bureau

Des gains économiques, écologiques et opérationnels

Au-delà d’un intérêt budgétaire évident pour les entreprises (Adopte un bureau annonce par exemple en moyenne 50% d’économies entre les produits digitaux neufs et les reconditionnés), intégrer des fournisseurs engagés au sein de sa politique d’achat répond surtout à une volonté de réduire son empreinte carbone. De quelle façon ? En évitant l’achat de matériels neufs, car, rappelons-le, 80% de leur impact intervient lors de leur fabrication[4].

Œuvrer en faveur de l’économie circulaire est une source de motivation pour plus de 85 % des entreprises[5]. Pour 60% d’entre elles, c’est aussi la volonté de valoriser leur image auprès des clients et des collaborateurs, de plus en plus soucieux du positionnement RSE des entreprises. Choisir la durabilité, c’est également une démarche alignée avec les objectifs de développement durable de l’ONU et qui répond à la CSRD européenne (Corporate Sustainability Reporting Directive). A partir de 2024, cette directive vient renforcer les exigences de reporting de durabilité avec la mise en place d’indicateurs standardisés dans 3 domaines majeurs (Environnementaux, Sociaux et Gouvernance, dits critères ESG) et d’un bilan carbone (voir les entreprises concernées).

« 2023 est sans aucun doute l’année du passage à l’action pour de nombreuses entreprises, conclut Florent Curel. Et nous sommes convaincus, chez Hop, que l’emploi et le réemploi durable d’équipements de bureaux leur permettront d’agir efficacement ».

Le chiffre clé

49% des entreprises[6] ayant déjà eu recours à du matériel reconditionné continuent à consacrer plus de 10% de leur budget aux achats d’équipements numériques de seconde main.

La date clé

17 août 2015 : création du délit d’obsolescence programmée

« Est interdite la pratique de l’obsolescence programmée qui se définit par le recours à des techniques, y compris logicielles, par lesquelles le responsable de la mise sur le marché d’un produit vise à en réduire délibérément la durée de vie”.

Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (17 août 2015), renforcée par loi REEN en 2021 (réduire l’empreinte environnementale du numérique)

Liens utiles

  • Comprendre le paquet économie circulaire au niveau européen

[4] Sustainable Production and Consumption

Volume 26, avril 2021, Pages 1031-1045

[5] Livre blanc RSE 2023 du numérique responsable, Codéo

[6] Enquête Keeep 2023 : Les produits digitaux reconditionnés dans les organisations professionnelles