Comment encourager une consommation plus responsable ?

Expérience client :comment la rendreexceptionnelle ?

Comment se différencier sur un marché ultra concurrentiel ? Comment créer un lien unique et une culture commune avec ses clients ? Par quels biais les surprendre et les émouvoir ? Pour Anaïs Guillemane-Mootoosamy, Directrice Générale en charge des stratégies au sein de l’agence W, où elle dirige le planning stratégique et l’innovation, la réponse tient en trois lettres : BDX, pour Brand Design Experience. Pour cette professionnelle de la communication, les marques doivent aujourd’hui investir de nouveaux champs d’expression, pour créer une expérience de marque unique. Interview.

Vivre un instant privilégié avec un personal shopper dans une boutique L’Oréal de Shangaï, réserver en ligne sa cabine d’essayage et ses modèles, au sein de l’une des House of innovation de Nike à Paris ou New York, utiliser l’appli Scan & Go Décathlon pour gagner du temps en magasin ou encore bénéficier d’un soin dans les boutiques Lush, à l’ambiance olfactive si caractéristique… Ces moments-là font partie de ce que l’on appelle l’expérience de la marque. De la visite en point de vente au service client sur Internet, en passant par le parcours d’achat, jusqu’à l’utilisation du produit lui-même, la « brand experience » est l’ensemble des interactions, relations et points de contact entre une marque et ses clients. « Elle se traduit par un univers, une ambiance, un mode de relation, explique Anaïs. C’est le pouls de la marque, tout ce qui nourrit sa vision et la rend désirable aux yeux des consommateurs ». Et parce qu’elle touche à l’affect, elle s’exprime à travers une multitude de détails, qui vont toucher les clients à des niveaux très divers, en fonction de leur profil, de leurs envies, de leur histoire, etc.

Une connivence sensorielle

Au-delà du service – comme une expérience d’achat fluide, des conseils d’utilisation personnalisés, un produit unique, etc.- l’expérience de marque cherche à captiver les clients en jouant sur les émotions, les sensations, les perceptions. « Pour cela, les marques explorent de nouveaux champs d’expression et de nouveaux points de contact avec leurs clients. Alors que les réseaux sociaux sont déjà sursollicités, elles investissent de plus en plus le domaine sensoriel ». Les signatures olfactives, par exemple, se multiplient : « On connaît celle de Lush, mais Sofitel a aussi développé la sienne ».

Le design sonore fait aussi partie de l’expérience, qu’il s’agisse d’une signature ou d’une playlist partagée avec sa communauté de clients. Mercedes, par exemple, a récemment publié son « Iconic Playlist », qui réunit tous les titres citant la marque, en partenariat avec Radio Nova ; Adidas propose une playlist pour les séances de running rythmées et Air France, une playlist tout en douceur pour un voyage apaisé. Ici, les marques jouent la carte de la connivence culturelle et de l’émotion. « On sait que les clients ayant des liens émotionnels avec une marque achètent plus de produits et plus souvent », commente Anaïs.

Ils sont aussi moins sensibles aux prix et recommandent plus souvent la marque, comme le révèle une étude publiée dans la Harvard Business Review. Ainsi, pour une marque, la valeur d’un client émotionnellement connecté est deux fois plus élevée que celle d’un client extrêmement satisfait. « Investir ce champ est donc primordial ».

Du parcours seamless à la personnalisation des services

L’expérience par les sens n’est qu’une facette de la relation. « Ces dernières années, l’expérience proposée par les marques à leurs clients s’est essentiellement concentrée sur un parcours seamless, fluide, simplifié, sans couture. La qualité des expériences d’achat, plus intuitives, plus rapides, y a beaucoup gagné ». Et un effet d’imitation a permis aux différents secteurs de s’inspirer des meilleures pratiques en la matière. « On peut donc dire que c’est une posture aujourd’hui généralisée. Mais aujourd’hui, la recherche de singularité change la donne. Le seamless est devenu brandless ! Ce qui est sans accroc ne marque pas les esprits. La meilleure expérience qui soit est dorénavant celle qui sait répondre à tous les besoins des clients et futurs clients. En additionnant les détails, on additionne les goûts et on nourrit le cloud branding de la marque. Cela relève quasiment d’une approche ethnographique ».

Cela suppose de bien connaître leurs envies, leurs aspirations et leurs habitudes de consommation. La collecte et l’analyse de la data jouent ici un rôle central pour personnaliser les services et les expériences.

A la recherche des frictions positives

Inoubliable, surprenant, exaltant… et certainement pas insipide. La qualité du moment partagé dépend de son originalité, des petites attentions qui viennent bousculer les habitudes des clients. « Et ce n’est certainement pas un parcours sans couture et sans aspérité qui va permettre cela. Au contraire, c’est tout l’inverse du seamless. Une bonne expérience de marque est celle qui sait marquer les esprits, créer des frictions positives et des heureux hasards, qui viennent surprendre le client » : un ton décalé et une bouffée d’embruns pour choisir son panier de poissons, comme le fait Poiscaille sur son site de vente en ligne, un unpacking digne d’Apple pour prendre possession de sa nouvelle carte bancaire, une vraie cave à vin à l’ambiance confinée, au cœur d’une grande surface, comme le propose Intermarché, etc. « Il suffit de trouver son levier, sa marque de distinction. « Une bonne expérience ne rendra pas le produit meilleur, mais une chose est sûre : une expérience mal travaillée, c’est une perte de valeur forte, conclue Anaïs. « Les entreprises qui investissent dans une expérience exceptionnelle peuvent en témoigner : elles ont en effet plus performantes que les autres (+ 6 points, étude Accenture).

85% des consommateurs s’attendent à vivre une expérience personnalisée alors que seulement 10% des entreprises pensent à offrir ce type d’expérience (source : Fevad, News Innovation du LAB Fevad n°77 de Mars 2023)

• 80 % des clients affirment que l’expérience fournie par l’entreprise est aussi importante que ses produits et ses services.

• 40% des acheteurs dépensent plus que prévu lorsque l’expérience client est personnalisée (Source : Business Impact of Personalization in Retail).