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« Buy Now, PayLater » : unesolution de paiementqui a conquis lesconsommateurs

Buy Now, Pay Later … Voilà une promesse explicite. Ce moyen de paiement permet d’acquérir un bien ou service, en recourant au paiement fractionné. Autrement dit, en le payant plus tard (sous 90 jours) et en plusieurs fois. Et les consommateurs en raffolent. Echange avec Bertrand Pineau, Délégué Général de Mercatel, think tank créé par les entreprises du commerce et de la distribution, issu des instances du Conseil du Commerce de France. Ils seraient 60% [1] en Europe à y avoir recours. Et un Européen sur quatre privilégient les sites qui le proposent. Le marché mondial du paiement fractionné a quadruplé entre 2018 et 2020 pour atteindre 80 milliards de dollars (Kaleido Intelligence). Il pourrait encore tripler d’ici 2025 pour s’établir à 250 milliards2. C’est dire son succès.

 

L’achat à crédit sans frais, une relation de confiance ?

Il faut rappeler que la relation des Français avec le crédit n’est pas récente. À la fin des années 1950, et jusque dans les années 1970, l’achat à crédit représentait 20 à 25 %[2] de la consommation. Marqueur des classes populaires [3] et moyennes non bancarisées [4], il témoignait de la confiance réciproque entre les commerçants de proximité et leurs clients. Avoir une ardoise dans le quartier, ou faire du « crédit noir », terminologie alors adoptée par la Banque de France, n’avait rien d’exceptionnel. La proximité et la connaissance mutuelle ont rendu ce crédit gratuit particulièrement facile, accessible et peu risqué. « Mais c’est sans doute dans les années 80, que le coup d’accélérateur est donné, explique Bertrand Pineau, Délégué Général de Mercatel, sous l’impulsion des acteurs de la vente par correspondance (VPC), tels que La Redoute, les 3 Suisses, Damart, etc. Ils sont les premiers à avoir marketé et démocratisé cette solution en la proposant… à tous leurs clients ».

Le paiement fractionné : une tendance montante

L’essor exponentiel du e-commerce, dans les années 90-2000, a constitué un terrain encore plus favorable à cette solution de paiement. « La modernisation du e-commerce et le cross canal, on en parle depuis 15 ans, mais ce qui a véritablement accéléré les tendances de façon très vive, c’est la pandémie : avec la hausse des transactions et des achats en ligne, le paiement s’est transformé. Longtemps considéré comme une ligne de coût par les retailers, il a aujourd’hui changé de place dans leur stratégie. Il devient, au même titre que l’innovation produit, un service à forte valeur ajoutée qui contribue à rendre le parcours d’achat fluide, facile, voire expérienciel. Il est devenu un atout au service de la relation clients, et cela a nécessairement fait évoluer les usages des consommateurs ».

Achat échelonné : des avantages pour tous

Parce qu’il n’est pas, dans l’état actuel du droit, considéré́ comme un crédit à la consommation »[5], le paiement fractionné offre une grande souplesse à tous les acteurs. « Pour les clients, c’est plus de facilités de paiement : ils peuvent lisser leurs dépenses et mieux maîtriser leur budget, tout en ayant accès à plus de produits et services, surtout en période de crise inflationniste, comme aujourd’hui.

Chez les retailers, il booste la compétitivité en les incitant à innover pour des parcours encore plus fluides et plus intuitifs. Des offres de paiement fractionné arrivent aujourd’hui sur le marché qui permettent au consommateur de lisser son paiement a posteriori, une fois le produit acheté. Enfin, c’est une solution qui favorise évidemment le chiffre d’affaires en rendant possible des achats compliqués pour les consommateurs ». Avec le paiement fractionné, on estime que la valeur du panier moyen augmente de 20 à 70% [6] en fonction des secteurs d’activité. « Pour tous, c’est une solution simple et transparente », conclut Betrand Pineau.

Mais cet élan attire aussi l’attention des régulateurs, et c’est bien normal, car le risque de surendettement est toujours présent. « En France, nous sommes bien pourvus en matière de protection contre le surendettement grâce à un reporting rigoureux des institutions bancaires introduit notamment par la Loi Lagarde du 1er juillet 2010. Et la réglementation européenne va également évoluer avec la révision de la directive sur le crédit conso qui sera prochainement adoptée ».

L’innovation technologique au service de solutions de paiement plus fluides, plus intuitives

La Directive sur les services de paiement 2 (dite DSP2) a également contribué à sécuriser le paiement dans le e-commerce en renforçant l’authentification des consommateurs, notamment lors d’un paiement fractionné. Elle a aussi ouvert l’accès aux données des comptes de paiement tenus par les banques. « Les Fintechs peuvent ainsi utiliser cette data pour continuer à innover en matière de nouvelles solutions de paiement, et de mise en place de prélèvement par exemple », précise Bertrand Pineau.

La DSP3 et le règlement associé, dont les premières versions de textes viennent d’être publiées, poussera encore plus loin les capacités d’innovation en harmonisant notamment la mise en œuvre de ces dispositions partout en Europe. Autre projet, l’ European Payments Initiative (EPI) [7] qui lancera d’ailleurs en juin 2024 une nouvelle solution de paiement basée sur le virement instantané (et donc indépendante des réseaux de cartes).

Elle apportera des parcours de paiement fractionné dans son offre destinée au e-commerce et aux retailers (à partir de 2025). [8] « Cette solution fait l’objet de développement important ailleurs dans le monde (Inde, Brésil …) et est déjà bien implantée « culturellement » dans une forme très proche en Allemagne et au Bénélux historiquement moins « carte » que la France. Le développement du virement instantané associé à l’open Banking devrait aussi faciliter les paiements inter-entreprises sur le marché du B to B, qui était jusque-là le parent pauvre des facilités de paiement », s’enthousiasme le directeur général de Mercatel.

Une chose est sûre, le paiement fractionné a encore de belles innovations devant lui.

[1] PayPlug, PrestaShop et Oney démocratisent le Buy Now Pay Later

[2Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), dans l’Introduction à Le crédit direct des commerçants aux consommateurs : persistance et dépassement dans le textile à Lens (1920-1970)

[3Ce comportement a même participé pour Richard Hoggart à dessiner les « frontières culturelles des classes populaires » (1970 : 43-46), dans l’Introduction à Le crédit direct des commerçants aux consommateurs : persistance et dépassement dans le textile à Lens (1920-1970)

[4Boltanski et Chamboredon, 1963, cités dans l’Introduction à Le crédit direct des commerçants aux consommateurs : persistance et dépassement dans le textile à Lens (1920-1970)

[5] Rapport annuel du Comité consultatif du secteur financier, 2022.

[6] https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/oney-le-boom-du-paiement-fractionne_AO-202205130007.html

[7] Basé sur un projet de Wallet européen (consortium de banques européennes)

[8] Disponible en juin 2024 pour les particuliers, en 2025 pour les acteurs du e-commerce, et début 2026 chez les commerçants de proximité.